La chambre de Sébastien, série "Tenir", Tonnerre, le 23 mars 2022 test
12
12
12
11
11
11
10
10
10
9
9
9
8
8
8
7
7
7
6
6
6
5
5
5
4
4
4
3
3
3
2
2
2
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
2
2
2
3
3
3
4
4
4
5
5
5
6
6
6
7
7
7
8
8
8
9
9
9
10
10
10
11
11
11
12
12
12
12
12
12
11
11
11
10
10
10
9
9
9
8
8
8
7
7
7
6
6
6
5
5
5
4
4
4
3
3
3
2
2
2
1
1
1
1
1
1
1
1
1

Contribution sans titre

Dragon Ball Z
1

Je suis fan de Dragon Ball Z, c’est un manga violent, ils se battent, ils ont des pouvoirs magiques. Je suis fan depuis que je suis môme. Ces figurines, je les ai achetées il y a deux ou trois ans, à Auxerre. C’était le moment où je vivais au 115, à la gare... à l’Hôtel des deux gares... j’ai passé presque deux mois dans le même truc... j’étais bien là-bas, j’avais la télé, je payais rien... c’était une pièce, un lit, une salle de bains. Pour manger, j’avais acheté un micro-ondes, le type de l’hôtel me disait rien parce que j’entretenais ma chambre, j’avais acheté ça pour manger chaud, sinon je mangeais que des sandwiches. C’est à ce moment-là que j’ai acheté ces figurines... j’en ai acheté une vingtaine, ça coûte 70 euros chaque, c’est collector, je garde les boîtes... C’est comme Les Chevaliers du Zodiac. Quand j’étais plus jeune, j’adorais les maquettes, j’accrochais ça au plafond... j’étais minutieux, je peignais les petits soldats, je peignais le camouflage des costumes, je faisais des décors militaires avec du Balza, des cabanes, des porte armes... Mais j’ai perdu la patience et l’envie de faire, j’ai plus envie de faire le moindre truc. 

PS3
2

Je jouais à la console mais elle marche plus, elle déconne, la manette elle se charge plus. C’est la Playstation 3... Je l’ai achetée à un gars qui habite sur Tonnerre, qui me l’a vendue 30 euros. Quand je suis arrivé, je passais des journées presque complètes dessus. J’ai que des jeux de guerre et un jeu de quad où je dois faire des figures acrobatiques... Mais la manette charge plus, ça fait un an à peu près, je peux pas la changer, c’est trop vieux. J’ai une PS 2 aussi, mais on la voit pas sur la photo, elle est sous la table, elle marche mais j’y joue plus. Ça me manque de plus jouer, mais j’ai perdu toute envie de bouger, même de jouer. 

Le ventilo
3

Le ventilo, je l’ai eu en prison, c’est un détenu qui me l’a offert parce que je l’aidais, je faisais son ménage de la cellule, je l’aidais à s’habiller parce qu’il avait une jambe avec un problème, il avait une maladie, il me payait mes clopes et à manger, il me cantinait des trucs et je cuisinais, je faisais à manger et on se partageait la nourriture... je faisais des quiches, des pizzas... En prison, je me laissais pas aller, je me laissais pas faire. S’il fallait taper, je tapais. Aujourd’hui, j’arrive même plus à regarder les gens en face. J’étais mieux en prison, je bossais en cuisine, je faisais trois cents euros, je pouvais cantiner mon tabac, prendre un bout de shit à un détenu. Ici j’ai la liberté, mais j’arrive pas à sortir.

Mes affaires
4

Quand l’assistante sociale m’a enlevé du 115, elle m’a déposé ici, à Tonnerre... vers 2022... je suis venu avec toutes mes affaires.... Le seul truc que j’avais, c’était mes deux sacs de vêtements et mon ventilo... Mais les trois quarts des vêtements, ils me vont plus, parce que j’ai perdu du poids, je mange plus, donc je nage dedans... J’ai perdu l’appétit depuis au moins cinq ou six ans, je mange pas de la journée... un yaourt et puis c’est tout. Je vais m’acheter deux croissants avant le boulot, et c’est tout, le soir je mange pas... J’ai perdu l’appétit à cause du stress, de l’angoisse. Les vêtements, c’est ma mère qui me les avait donnés à la Maison d’Arrêt de Chaumont, et quand j’ai été transféré à Joux-la-ville, je suis parti avec. J’avais aussi un carton de dessins, mes bouquins de tatouages, des modèles que je dessinais... c’est rangé dans mon bordel, dans les affaires que je touche plus, les photos de ma fille, les dessins.

La poubelle
5

Ici, ils arrêtent pas de me dire d’enlever la poubelle de ma chambre, mais moi je le vis comme ça, point barre, y a pas de bouffe dedans, c’est que des emballages. On me dit d’entretenir la table de chevet, d’enlever la poubelle, mais moi je rigole. C’est comme si j’étais encore en prison, parce qu’en prison j’avais ma poubelle en cellule... Six ans de prison, c’est long, c’est comme un traumatisme. La poubelle dans la chambre, ça évite les conflits. Je m’entends pas trop avec mon coloca- taire, y a pas trop de conversation, il parle que de lui, de ses pro- blèmes, moi j’ai assez des miens pour écouter les siens. Comme il me dit, il est pas là pour se faire des amis. En cellule, j’ai été une fois à deux, mais on s’est battu parce qu’il racontait des conne- ries sur mon dos, et après j’ai pris ma cellule à moi tout seul, avec les portes ouvertes le matin et l’après-midi... On ouvrait à sept heures, ça fermait à midi et demi, ça rouvrait à 13h30 jusqu’à 17 heures, et je sortais beaucoup, je faisais le con dans les coursives, j’escaladais l’étage du dessus, je me suis même foulé la cheville une fois, j’ai mal atterri. Des fois, je me dis que j’étais mieux là-bas, parce qu’au moins je discutais avec des gens, des anciens, je traînais qu’avec les anciens... C’est quand je suis sorti de prison que j’ai perdu l’appétit... D’un côté, j’aimerais bien retourner vers chez mes parents, mais c’est trop le bordel de faire un déménage- ment, de chercher un appartement. Alors j’en sais rien si je reste ici ou pas. S’ils me prennent en contrat indéfini, peut-être que je resterai sur Tonnerre, je verrai bien... 

La télé
6

La télé, elle cherche plus les chaînes, alors j’ai été obligé de prendre un décodeur, je paye tous les mois un abonnement, ça doit me coûter une trentaine d’euros par mois. La télé, maintenant, je la regarde toute la journée quand je bosse pas. Je l’allume le matin vers six heures, et vers midi je l’éteins quand je vais bosser... Quand je rentre vers quatre heures et demi, cinq heures, je la rallume jusqu’à huit heures du soir, je prends mon traitement et je l’éteins... la nuit, elle reste en veille.

Mes films
7

Ça, c’est mes films, je peux mettre les DVD dans la Playstation... C’est Residence Evil, c’est sur des zombies... y a de l’action... Je les ai tous vus, je les regarde plus maintenant. J’ai une pile beaucoup plus grosse, c’est ma sœur qui me les a amenés en même temps que mon vélo.... mon neveu, on était toujours ensemble, on se défonçait ensemble, il essayait de me suivre, mais j’étais plus costaud que lui, une bouteille ça me suffisait pas, il me demandait « comment tu fais pour rester debout », je lui disais « question d’habitude »... Les nerfs, aussi, ça joue.... Ça, c’est

Je ne fais plus de sport
8

Tout est rangé dans ma chambre. Il me reste une paire de claquettes et une paire de baskets, j’ai plus que ça mais je fais pas de sport, je me laisse aller. 

Le ménage
9

Cette serpillière, ça fait un moment qu’elle est là, je m’en sers pas... J’ai pas d’aide pour faire le ménage. En prison, je faisais ma chambre tous les jours, après j’allais voir le codétenu pour nettoyer sa chambre. Maintenant, je fais plus ça... Je la fais que quand elle commence à être sale. En prison, ça m’occupait... 

Une tête de taureau
10

C’est une tête de taureau des Chicago bulls, c’est moi qui l’avais dessinée quand j’étais en prison. Je faisais pas mal de pâte à sel, des dessins, je m’occupais, en prison. Ce dessin, je l’ai foutu à la poubelle depuis qu’on a fait la photo, il prenait de la place.

Penser à ma fille
11

Sur cette photo, c’est moi en train de penser, de penser à ma fille. Qu’est-ce qu’elle devient ? J’ai aucun contact avec elle, elle va avoir dix-huit ans au mois de décembre... Je vois quelqu’un de seul, de solitaire, angoissé, stressé.... Il me reste la clope...

Une médaille d’honneur
12

C’est la médaille d’honneur de mon père, des forges... Avec l’ancienneté dans la même boîte... Il travaillait à l’usine, il était ouvrier, je l’ai pas connu assez, mon père, il est mort quand j’avais douze ans. J’ai peu de souvenirs avec lui. C’est ma mère qui me l’a envoyée. 

zoom
photographie
annotations

annotations

numéros

Collection « Exposition "À balles réelles" à Tonnerre, 2024 »

Cette collection d'ArcFot a été produite à l'occasion de l'exposition "À balles réelles" qui s'est tenue dans la ville de Tonnerre du 1er au 29 juin 2024.